Fast ein Wunder - Reenacting Gertrud Kraus

Une ode intime

“En 1935, dû à la menace du national-socialisme, Gertrud Kraus immigre en Israël, où elle devient une des fondatrices de la danse moderne israélienne.  Le hasard fait que ma mère, enfant, habite dans la même rue à Tel-Aviv où se trouve le studio de danse de Kraus. Attirée par les sons du piano qui inondent la rue, elle se met à la fenêtre qui donne sur le studio du sous-sol, et regarde avec émoi ce qui se passe à l’intérieur. Émoi et chagrin, car sa famille est trop pauvre pour pouvoir lui offrir ce genre de bonheur. Pourtant un jour, Gertrud Kraus l’invite à entrer et à participer aux cours.

Elle passe alors plusieurs années à danser avec Kraus et jouit par ailleurs d’une riche éducation musicale. Kraus étant une pianiste diplômée du conservatoire de musique de Vienne, elle travaille ses chorégraphies de façon très musicale. C’est donc une évidence pour elle de transmettre également sa culture musicale.

Jeune femme, ma mère fera partie de la “Gertrud Kraus Dance Company”. Elle ouvre par la suite sa propre école de danse, où je fais mes débuts à 3 ans.”

Loulou Omer

Fast ein Wunder - Reenacting Gertrud Kraus est un hommage à Gertrud Kraus, l’une des chorégraphes éminente de l'Expressionnisme et des Avant-Gardes viennois de l’entre-deux-guerres. Cette figure de la danse est particulière pour moi parce qu’elle fait partie de près de mon histoire familiale, mais son impact dans le cheminement de ma vie m’avait échappé.

Commande de la curatrice Andrea Amort / Verein Lebendiges Tanz-Archiv Wien, également coproduite par l’Université de Musique et des Arts de la ville de Vienne (MUK), avec le soutien du Festival international de Vienne ImPulsTanz 2021, Fast ein Wunder - Reenacting Gertrud Kraus est créée en 2019. C’est une pièce sur Gertrud Kraus et son œuvre confrontant la question de la mémoire, de l'oubli, du hasard et du destin.

Cette ode chorégraphique intime est le fruit d’un dialogue-fantôme entre Gertrud Kraus et moi. Un dialogue-fantôme car l’interlocutrice n’est plus des vivants et son œuvre a laissé peu de traces. C’est une mise à l’écoute d’une absence. C’est la volonté de convoquer cette absence, de reconstituer un passé, re-enact une vie, une œuvre, une histoire. C’est la volonté de créer une mémoire à partir d’un oubli.

C’est l'effleurement du mystère enseveli qui pré-déterminerait le cours d’une vie. C’est le désir de faire revivre ce qui n’est plus, de communiquer avec l’absente, le royaume de l’oubli. C’est la tentative de tracer un passé évanescent, une origine cachée, un trésor perdu. C’est un dialogue avec l’énigme de ce que nous sommes - c’est notre rapport à l’histoire, à l’héritage, à la mémoire.

C’est surtout un hommage à une femme dont la vie, la passion et le travail ont contribué à ce que je suis et à mes bonheurs. C’est un hommage à ma mère, qui me l’a transmis, dans son travail et sa maternité. 

Enfin, avec cette pièce, je souhaite célébrer toutes les mères, pas uniquement les mères biologiques, mais toutes celles qui ont vécu, travaillé et donné, et puis qui ont disparu du récit de l’histoire.

Loulou Omer