Processus artistique

“Chorégraphie d’une poésie sonore” - Une pratique poly-artistique / Danse – Musique – Poésie

Chorégraphie d’une poésie sonore est une démarche transdisciplinaire que j’exerce et développe dans les champs de la danse, de la musique et de la poésie depuis quelques années. C’est une approche poly-artistique. Je l’entend comme une sensibilité et une pratique artistique que je déploie dans plusieurs formes esthétiques et expressives et qui convoquent des qualités artistiques très différentes, voire éloignées, et qui peuvent se rejoindre dans une même forme….


Créations

Pièces chorégraphiques poly-artistiques


Trois formats en diffusion à partir de Fast ein Wunder - Reenacting Gertrud Kraus

En 2019, la curatrice autrichienne, Andrea Amort, commande à Loulou Omer une pièce courte sur Gertrud Kraus, chorégraphe des avant-gardes viennoises, ayant fui le régime nazi. Cette figure de la danse d’entre-deux-guerres fait partie de son histoire familiale.

Elle crée la pièce courte Fast ein Wunder - Reenacting Gertrud Kraus (15 min).

En 2016, Loulou Omer avait collaboré en tant qu’artiste associée avec le plasticien Simon Wachsmuth autour de deux autres figures de la danse de la même époque, Dita et Gertie Tenger, dont S. Wachsmuth est le petit-fils. Cette collaboration a donné lieu à une installation de vidéo-danse, QingEnsemble, ils décident de proposer une soirée composée autour de ces figures des avant-gardes. 

L’Art de la mémoire - soirée composée : Qing / Fast ein Wunder - Reenacting Gertrud Kraus / échange performé avec le public (60-80 min.)

Enfin en 2023, Loulou Omer décide de recréer Fast ein Wunder dans une version augmentée et plus longue, qui devrait être finalisée en 2024.

Au Hasard la mémoire (30 min.)


Processus artistique

Chorégraphie d’une poésie sonore - Danse / musique / poésie

Chorégraphie d’une poésie sonore est une démarche transdisciplinaire que j’exerce et développe depuis quelques années dans les champs de la danse, de la musique et de la poésie. C’est une approche poly-artistique. Je l’entend comme une sensibilité et une pratique artistique que je déploie dans plusieurs formes esthétiques et expressives et qui convoquent des qualités artistiques très différentes, voire éloignées, et qui peuvent se rejoindre dans une même forme.  

J’emprunte ce terme  à divers mouvements artistiques modernes et contemporains et des artistes, tels que William Kentridge, dont je me sens proche. L’approche poly-artistique se déploie dans une diversité étonnante de formes d’expressions qui parvient à créer à partir de cette multitude un univers particulièrement cohérent et singulier. Il s’en dégage une grande force de liberté, une liberté créatrice, applicable, à mon sens, à toute liberté, particulièrement la liberté politique, également un aspect important bien que beaucoup plus implicite dans mon travail.

En adoptant cette tournure, je rend hommage à l’idée de liberté comme fondamentalement constitutive de l’art et de l’humain. Cette idée de liberté est à la fois moteur de mon geste artistique autant que de son aspiration, sa source et sa cible, sujet et objet à la fois. Je la sème dans le noyau de ma démarche artistique qui est ma façon d’être au monde.

Parallèlement à ce travail d’expérimentation et de création dans chacune de ces disciplines, mon approche artistique explore leurs relations – leurs tensions, leurs influences et transformations réciproques – jusqu’à leur fusion en une entité, une pièce, un évènement, un corps, ici et maintenant, une cohérence dans une apparente hétérogénéité.

Ce que nous partageons tous, c’est le va-et-vient entre le familier et l’étranger dans la rencontre avec le monde, le va-et-vient entre la compréhension et l’incompréhension, entre le sentiment de sécurité et le trouble. Pour moi cela se rapproche de ce que l’on appelait en Grèce antique : le cosmos et le chaos. Je cherche à nous défaire de la seule sécurité, cette détente tranquille face au familier, aux formes familières devenues creuses dans un monde en constant mouvement.

Cette idée rejoint pour moi la question du « Kitsch » selon le philosophe d’origine tchèque Vilém Flusser et le « recyclage des phénomènes culturels trouvés dans le déchet ». Selon lui, le déchet est un état intermédiaire entre culture et nature au sein du cycle nature-culture-nature. Il entend par “culture”, l’ensemble des objets et phénomènes que les humains prélèvent dans leur environnement naturel dans le but de les transformer, somme toute de les humaniser. En les chargeant d’informations nouvelles, ils entendent “changer le monde”.

Flusser donne l’exemple d’un de ces objets culturels : une chaussure, en cuir, dont le matériau est donc issu de la nature et qui, une fois usé, se décompose et retourne à elle. Selon lui, il en est de même pour les idéologies, l’art et tout autre phénomène. Une fois l'information consommée, l’objet devient creux et disparaît progressivement dans la nature. 

Le déchet est donc cet état intermédiaire où les objets consommés sont déjà dépourvus d’informations sans pour autant être réintégrés complètement à la nature. Le mouvement du cycle nature-culture-nature évolue dans un seul sens. Le recyclage des objets-déchets c’est cela le kitsch. Le paramètre temporel est ici central, car ce recyclage renverse le cours du temps et transforme le passé en présent. Au lieu de créer, de produire et de communiquer de l’information, nous ressassons des bouts de restes recyclés. Plus il y a redondance plus il y a ressassement et il est alors d’autant plus confortable de conserver ces restes recyclés “en culture”. Cela serait une façon agréable de faire face à l’inondation de ces phénomènes de déchéance par ailleurs étroitement liés au flux incessant d’informations produites par notre société.

Ce faisant, on crée une “fausse communication”, qui annule et distord l’information et la mémoire par ressassement. Contrairement à la “vraie communication” qui elle résulte de la volonté humaine de résister à l'absurdité de la mort et de l’oubli. En ce sens, le Kitsch est un culte de l’oubli. Flusser conclut que sa raison d’être réside dans une forme de “nostalgie de la boue”,  c’est-à-dire de plutôt vouloir mourir confortablement et agréablement face à l’absurdité de l’existence humaine. 

Cependant, j’embrasse à la fois l’héritage et la transmission, les acquis culturels - pensées, techniques, règles - la tradition, la mémoire, la continuité et la répétition. Tous ceux qui font ce que nous sommes. Je suis fascinée par la tension entre ces deux pôles - le familier et l’inconnu, l’harmonie et la dissonance, le cosmos et le chaos - une tension pour moi vitale, qui accompagne et nourrit mon travail comme on porte le passé et le futur dans le présent. 

Je suis très attachée à la pratique et au travail quotidien. C’est la répétition permanente des formes choisies et transmises qui engendre et maintient mon mouvement intérieur. La connaissance qui en découle est comme mon tremplin vers l’inconnu, toujours à la recherche de “cette nouvelle information pour changer le monde”.

Le corps, sa présence, son existence organique -  qui est né, vit et qui mourra - et le “je”, porteur de son histoire, interagit avec musique et paroles, qui l’habitent et le transforment. Lui, le “je”, les produit et les perçoit. Objet et sujet se confondent, ils font un.

Ma corporéité porte une histoire autre, elle parle sa propre langue avec son vocabulaire et sa syntaxe. C’est alors comme si le corps parlait à partir d’un autre niveau de conscience : son langage est lui-même, performatif. 

Cette écriture performative ne se stabilise pas autour d’un sens explicite, d’une forme fixe, elle ne cesse de bouger. Mon processus de création peut être apparent, le sens glissé et les significations se télescoper.

Dans mon écriture, les mots, d’une sonorité déjà percussive et une polysémie renvoient au temps et à sa cadence, tout en les créant. Le poème, chanté ou parlé d’après une partition sonore et pleinement corporelle, superpose ainsi divers signes, significations et sens.

La musique se déploie à l’intersection de traditions populaires, de la musique classique et contemporaine dans une approche souvent minimaliste et dissonante. Ces éléments puisés sont déconstruits, transformés par d’inhabituelles tournures musicales et transportés par un rythme dans l’urgence du présent.

A cette forme d’hybridation des arts s’ajoute une écriture multilingue avec son incarnation scénographique et musicale : elle crée alors différents niveaux d’accessibilité pour les publics, selon l’étrangeté ou la familiarité de la langue, de sa culture, de son histoire, de sa sonorité. Elle évoque des univers divers et les met à proximité et en relation. De cette manière, je propose aux publics de faire leur propre expérience à partir de leur « paysage » intérieur. Les mots se répètent, se traduisent, en entrelaçant les diverses langues, la langue originelle et sa traduction, la langue étrangère ou bien celle comprise par le public autochtone. Jouer avec l’interchangeabilité de la langue traduite selon le lieu géographique et culturel de la représentation fait partie de ma démarche et relève pour moi de la question de la traduisibilité. 

Habitée d’une intranquillité, je m’aventure dans la multiplicité - la diversité des formes, des disciplines et des cultures. Je cherche à toucher l’altérité, mon altérité et celle de l’autre, à vivre et à faire avec la confusion, ou bien la fusion. Je cherche le trouble, la dissonance, la transcendance de mes contours pour toucher l’autre. 

Chorégraphie d’une poésie sonore est une philosophie, un manifeste et une pratique. Elle est le point de départ qui permet l’émergence et le déploiement de formes variées. Chaque projet évolue selon la thématique qui l’habite, ses enjeux propres, son lieu et ses collaborateurs artistiques. Une forme d’amour pour l’être et son mystère, une Ode et encore.